Le NCSM St. Croix
Par Brad Davidson et Marc Milner
Source : www.warmuseum.caImmortalisé dans la littérature comme au cinéma en raison de ses actions lors de la Seconde Guerre mondiale, le destoyer NCSM St. Croix compte parmi les navires les plus célèbres de l’histoire de la Marine canadienne.
Le NCSM St. Croix
Source : www.warmuseum.caLe NCSM St. Croix fut lancé en 1919 sous le nom USS McCook et faisait partie d’une
grande classe de navires à quatre cheminées construits pour la Grande Guerre. Le
McCook était l’un des 50 destroyers acquis par les Britanniques en 1940 dans le cadre de
l’accord entre Britanniques et Américains sur la fourniture de destroyers contre des bases
terrestres. Six de ces vieux navires furent transférés au Canada. Conformément à la
pratique de la Marine royale canadienne (MRC) de donner aux destroyers des noms de
rivière, les six navires furent tous nommés d’après d’une rivière commune au Canada et
aux États-Unis. C’est ainsi que le McCook fut rebaptisé le St. Croix, d’après la rivière de
185 km qui sert de frontière entre le Nouveau-Brunswick et l’État du Maine.
HMCS St. Croix in Halifax Harbour, December 1940
Source : www.warmuseum.caLes anciens destroyers américains étaient bas, longs et étroits. Ils étaient mal adaptés à
l’immensité de l’Atlantique Nord. Pour beaucoup de ceux qui les manœuvraient, c’était
des « purgatoires de haute mer » dont ils parlaient avec des sentiments partagés.
Toutefois, compte tenu de l’état de la Marine canadienne – et de la guerre en mer –, ils
étaient un ajout bienvenu à la flotte.
Le St. Croix était un destroyer à longue portée et raisonnablement fiable, de sorte qu’il fut très occupé et se distingua dans la défense de convois au milieu de l’océan. En 1942, le St. Croix coula le U-boot, ou sous-marin allemand, U90 lors de la bataille pour le convoi ON 113. Ensuite, en mars 1943, en conjonction avec le NCSM Shediac, il coula le U- boot U87 au large du Portugal.
Le St. Croix était si efficace à pourchasser les sous-marins allemands qu’il fut assigné au groupe EG 9, le deuxième groupe de chasseurs de sous-marins de la MRC. À la fin de septembre 1943, le St. Croix et le groupe EG 9 furent envoyés en renfort à deux convois à l’ouest de l’Irlande. Les U-boot qui attaquaient ces convois étaient équipés de nouvelles torpilles à tête chercheuse acoustique, conçues pour s’orienter d’après le son des hélices rapides, comme celles d’un destroyer. Alors qu’il cherchait un U-boot qu’on rapportait avoir aperçu derrière le convoi, le St. Croix fut désemparé par l’explosion d’une torpille sous sa quille. Le navire de l’officier supérieur du groupe EG 9, le NCSM Itchen, était sur le point d’accoster le destroyer pour prendre l’équipage à son bord quand une deuxième torpille détruisit le vieux destroyer endommagé. Lorsqu’une troisième torpille explosa dans le sillage de l’Itchen, le navire britannique se retira du combat pour aller chercher du secours.
La destruction du St. Croix lui valut le triste honneur d’être le premier navire de l’histoire qui fut coulé par une torpille à tête chercheuse. Personne ne sait combien des 147 membres d’équipage du St. Croix échappèrent au naufrage. Forcés de se lancer à la mer à bord d’embarcations de sauvetage et de « radeaux Carley » – des radeaux en bois construits autour de barils à pétrole de 45 gallons –, les survivants passèrent 13 heures épuisantes dans le froid, à regarder les fusées éclairantes illuminer le ciel et à entendre les détonations de bombes sous-marines tout autour d’eux.
Le chauffeur William Fisher, RVMRC, le seul survivant de la perte du St. Croix.
Source : www.warmuseum.caL’Itchen retourna sur les lieux de l’attaque tôt le lendemain. Entretemps, il n’avait
retrouvé que deux hommes d’équipage de la petite corvette NSM Polyanthus, le
deuxième navire coulé par la nouvelle arme des Allemands. À ce moment-là, il ne restait
plus que 76 matelots et cinq officiers parmi les survivants. Après avoir récupéré ces
survivants, l’Itchen retourna combattre. Le soir du 21 septembre, l’Itchen fut lui-même
détruit par une explosion imposante, fort probablement celle d’une torpille sous sa soute à
munitions. L’Itchen disparut en une quarantaine de secondes, si rapidement que personne dans le convoi ne sut exactement ce qui s’était passé. À peine 49 heures s’étaient
écoulées entre le torpillage des deux navires. Parmi l’ensemble de l’équipage de l’Itchen,
les 81 survivants du St. Croix et les deux hommes rescapés du Polyanthus, seulement
trois hommes survécurent : deux de l’Itchen et le chauffeur William Fisher, RVMRC, du
St. Croix. Ils n’auraient peut-être pas survécu n’eût été la bravoure du navire polonais
Waleha, qui s’arrêta pour leur porter secours.
The last known photograph of the St. Croix ship's company taken in St. John's Newfoundland on May 30, 1943 (NAC PA 192997).
Source : http://www.forposterityssake.ca/CREW/CREW0191.htmLa tragédie du St. Croix fit la une des journaux au Canada. Les membres de l’équipage
étaient originaires des quatre coins du pays et leur perte fut profondément ressentie. Pour
le seul survivant, William Fisher, il fut difficile de se remettre de la perte d’un si grand
nombre de collègues et de vieux amis. Néanmoins, il refit sa vie après la guerre en
travaillant dans l’industrie pétrolière en Alberta jusqu’à son départ à la retraite, en 1982.
Quant à ceux qui ne rentrèrent jamais au pays parce qu’ils furent coulés par le fond dans
des navires qui protégeaient les intérêts canadiens dans les grandes eaux, nous nous
souviendrons d’eux.
Bibliographie
Milner, Marc and Glenn Leonard, New Brunswick and the Navy: Four Hundred Years, Fredericton, NB: Goose Lane Editions/New Brunswick Military Heritage Project, 2010
William Fisher, « The End of HMCS St. Croix », Canadian Military History, vol. 8, no 3 (1999)