Le Brunswicker

Par Brad Davidson et Marc Milner


Lors de la guerre de 1812, le Nouveau-Brunswick a exploité son « premier et son seul navire de guerre ». Ironiquement, celui-ci fut capturé par un vaisseau américain. Qualifié de « chasseur de corsaires », le Brunswicker, un navire public armé, a fourni à la colonie une protection essentielle contre les ennemis de Sa Majesté, à un moment de l’histoire où elle était particulièrement vulnérable.

À l’origine, le Brunswicker était un cotre de la douane américaine appelé le Commodore Barry. Acquis par le gouvernement américain à New York en 1812, le Commodore Barry venait tout juste d’entrer en service le long des côtes du Maine lorsque les États-Unis déclarèrent la guerre à la Grande-Bretagne. En août, des semaines avant que la Grande-Bretagne ne déclare elle-même la guerre, il fut capturé par deux frégates britanniques et amené à Saint John. D’habitude, de tels « trophées de guerre » étaient condamnés à être vendus par un tribunal de vice-amirauté. Toutefois, pressés d’en tirer rapidement des bénéfices, les capitaines britanniques vendirent le Commodore Barry à des commerçants de Saint John, qui ne demandaient pas mieux que de leur rendre service.

Le prix d’achat était de 1250 £, mais la vente était illégale. Les hommes qui se portèrent acquéreurs étaient peut-être au courant des aspects juridiques de la transaction car, pour brouiller les pistes, ils conclurent des ententes avec les capitaines concernés, selon lesquelles ceux-ci obtiendraient tous les documents nécessaires pour assurer que la vente était conforme aux règles. Se doutant que les commerçants n’étaient pas très honnêtes, l’un des capitaines refusa plus tard de signer toute entente.

Le Commodore Barry passa rapidement aux mains du gouvernement colonial du Nouveau-Brunswick. Le gouverneur, George Smyth, avait désespérément besoin d’un moyen de protéger le transport maritime du Nouveau-Brunswick dans la baie de Fundy. La Marine royale n’avait dépêché qu’une petite goélette armée de quatre canons pour protéger la navigation dans la baie, et les échanges commerciaux du Nouveau-Brunswick y faisaient les délices des corsaires américains. L’occasion offerte par la goélette à deux mâts et armée de six canons qui était immobilisée à Saint John était trop belle pour que le gouvernement colonial la laisse passer. Rebaptisé Brunswicker et présenté comme un « chasseur de corsaires », le navire devint « le premier (et le seul) navire de guerre de haute mer » du gouvernement du Nouveau-Brunswick. Pendant que Smyth s’adressait au Colonial Office pour obtenir le remboursement des coûts du Brunswicker et une clarification de son statut de trophée de guerre, le Brunswicker commença à assurer la protection de la colonie contre les ennemis de Sa Majesté, en particulier les États-Unis.

L’argent était un problème constant durant la courte période d’exploitation du Brunswicker. Le capitaine du navire n’avait pas la capacité de faire le moindre achat ou de contracter une dette sans l’approbation expresse des autorités. Et ces autorités se virent interdire de recueillir d’autres fonds parce que le Brunswicker ne faisait pas officiellement partie de la Marine royale.

Malgré les problèmes, le Brunswicker mena des opérations dans la deuxième moitié de 1812, chassant des corsaires américains des eaux autour de Point Lepreau et de la baie de Fundy, de concert avec d’autres vaisseaux de la Marine royale. Le Brunswicker fut également actif dans la baie de Passamaquoddy et les environs de Saint John. Cependant, au début de 1813, les circonstances obscures de la capture et de la vente du navire finirent par le rattraper.

Les deux capitaines britanniques qui avaient capturé le navire des Américains ne prirent jamais les mesures requises pour régler la question de la propriété du navire auprès de la Cour de vice-amirauté d’Halifax. Quand le procureur général du Nouveau-Brunswick s’enquit de l’avancement des procédures, il fut consterné de découvrir qu’aucune procédure n’avait été entamée. Lorsque la Cour apprit l’existence du navire, elle demanda des renseignements et les procédures débutèrent enfin.

Le 16 juin 1813, le Brunswicker fut saisi par la Couronne, comme c’était la pratique pour les butins pris alors qu’on ne se trouvait pas en état de guerre. La Cour prit possession du navire, ce qui mit fin à la brève carrière du Brunswicker en tant que premier et seul navire de guerre du Nouveau-Brunswick. Il demeura à Saint John jusqu’à sa vente aux enchères, en juillet 1815, à un marchand de Saint John, le capitaine Noah Disbrow, pour la somme dérisoire de 693 £. On ignore ce qu’il advint du Brunswicker. Toutefois, son héritage perdure. De nos jours, il est commémoré par le NCSM Brunswicker, la division de la Réserve navale de Saint John, un hommage approprié au seul navire de guerre officiel du Nouveau-Brunswick.



Bibliographie

Marc Milner et Glenn Leonard, New Brunswick and the Navy: Four Hundred Years, Fredericton : Goose Lane Editions/New Brunswick Military Heritge Project, 2010